Avent
L’Avent
est un temps d’attente, et donc un temps qui convient tout particulièrement aux
moines. Le jour de sa profession le
religieux et spécialement le moine bénédictin chante trois fois : «
Reçois-moi, Seigneur, selon ta parole et je vivrai et ne me déçois pas dans mon
attente ».
De
quelle attente s’agit-il ? Nous ne
faisons pas simplement attendre qu’arrive la fête de Noël avec toutes ses
célébrations, ses échanges de vœux et ses coutumes populaires qui peuvent
parfois faire oublier le véritable sens de Noël.
Il s’agit de l’attente du retour du Seigneur. Non pas attente de la fin du monde, mais de
la réalisation plénière de l’Incarnation dans l’humanité entière. Par l’incarnation, en effet, ce n’est pas
simplement « un homme », mais c’est toute l’humanité qui a été assumée par Dieu
et qui doit être transformée graduellement par sa grâce. Tout le but de notre vie religieuse est
notre graduelle transformation à l’image du Christ, et donc la pleine naissance
du Christ en chacun de nous.
Le lectionnaire liturgique, particulièrement
riche en ce Temps de l’Avent, nous fera rencontrer de nombreux témoins de cette
attente -- de l’Ancien comme du Nouveau Testament.
Tout
d’abord le prophète Isaïe :
Le prophète Isaïe, qui nous accompagnera
durant tout le Temps de l’Avent, était un utopiste. Il vécut dans un temps très tourmenté, du
point de vue social, politique et religieux. Il s’efforça d’éveiller le peuple à
l’espérance, annonçant une humanité nouvelle. En mettant le Temple de Jérusalem – lieu où
résidait la gloire de Dieu -- au cœur de cette nouvelle humanité, il évoquait
l’image de la paternité universelle de Dieu sur toutes les nations. Dieu sera le père et l’arbitre de toutes les
nations. Celles-ci ne se soulèveront plus les unes contre les autres, on ne
s’entraînera plus à la guerre. Quelle
utopie !
Mais
voyons de plus près en quoi elle consiste, cette utopie. On ne se limitera pas à enterrer la hache de
guerre. On ne se contentera pas de ne
plus utiliser les armes ni même de les détruire. On transformera plutôt les épées en socs de
charrue et les lances en faucilles, c’est-à-dire en instruments de travail
destinés à procurer la nourriture. On
remplacera la guerre par une activité de développement. C’est là une utopie qu’il faut toujours
raviver et garder vivante, jusqu’au jour où elle se réalise, car l’humanité ne
saurait vivre sans elle.
Le
Dieu d’Isaïe est un Dieu qui veut une humanité sans frontières, sans murs, sans
guerres, sans loups et serpents, sans hommes violents. Il veut une humanité marquée par l’harmonie
-- harmonie entre femmes et hommes, entre les humains et leur environnement ;
une humanité marquée par la justice, sans privilèges, sans pauvres opprimés,
sans juges iniques ; une humanité où les nations ne seront plus séparées par les
montagnes et les ravins de leurs religions, de leurs crédos politiques, de leurs
systèmes théologiques ou philosophiques... Une utopie ? Bien sûr ! tout comme
l’appel à être parfait comme notre Père céleste. Une utopie à laquelle il vaut la peine de
consacrer toute notre vie. Un idéal et
un but que nous ne pouvons atteindre que par une seule voie, celle de la
conversion. Et c’était ce que l’Esprit du désert, parlant par la bouche de Jean,
exigeait de tous. La conversion
radicale que les Pharisiens et les Sadducéens n’étaient pas capables de
réaliser, nous ne le pouvons pas plus qu’eux. Nous avons besoin du baptême de feu :
c’est-à-dire de l’action de l’Esprit, du vent brûlant du désert, consumant
toutes les impuretés et les souillures de nos vies et de nos cœurs.
Jean-Baptiste
:
Jean-Baptiste est un autre témoin qui nous
accompagnera durant une grande partie de la liturgie de l’Avent. Jean, c’est le
pauvre par excellence. Son identité ne fait qu’un avec sa mission. Il ne vit que
pour sa mission. C’est un pauvre, qui n’a rien appendre.
Sa mission est de préparer la foule à la venue du Messie. Lorsque le Messie apparaît, sa mission est
accomplie. Il peut disparaître.
Au
moment même où Jean annonçait ce messie, voici qu’un certain Jésus vient se
faire baptiser au milieu de la foule. Jean a alors la claire révélation de
l’Esprit-Saint, que c’est vraiment lui le Messie, l’Agneau de Dieu qui enlève
les péchés du monde. Au moment où elle
lui avait été donnée, cette révélation lui paraissait si claire, si évidente,
qu’elle lui semblait exprimer une vérité absolue. Or, voici que lui, Jean, qui a continué de
remplir avec courage son rôle de prophète, jusqu’à reprocher à Hérode sa
conduite, se retrouve en prison, et le Messie ne fait rien pour libérer son
prophète. Bien plus, ce Messie n’agit
pas comme il l’avait prévu et annoncé. Il ne condamne pas, il ne juge même pas. Il
se contente d’annoncer le Royaume de son Père. Est-il vraiment le Messie. Faut-il en attendre un autre qui viendra
finalement mettre de l’ordre dans la société et dans le Peuple de Dieu en
détruisant les pécheurs ? Il envoie
donc ses disciples demandés à Jésus : « Es-tu vraiment celui qui doit venir
(celui que j’ai annoncé) ou devons-nous en attendre un autre ? »
Jésus ne répond pas directement à la
question de Jean, mais ne laisse aucun doute quant au type de Messie qu’il
entend être et sur ce qu’il est venu faire : redonner la vue aux aveugles, faire marcher
les boiteux, purifier les lépreux, redonner l’ouïe aux sourds, ressusciter les
morts, et surtout annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres. Non, il n’est pas venu pour juger et
condamner, et il le dira expressément plus tard lorsqu’on lui demandera de le
faire.
Jésus fait ensuite la louange de Jean, le
plus grand des prophètes de l’Ancienne Alliance, mais il affirme en même temps
ses limites. Il y a quelque chose de
tragique dans la mission et la destinée de Jean-Baptiste. Il fut le plus grand des prophètes, il a
annoncé la venue du Messie, il l’a reconnu lorsqu’il est venu, il lui a envoyé
ses propres disciples, il a été fidèle jusqu’à la mort à sa mission d’appeler
tout être à la conversion. Et pourtant
il n’a pas perçu l’essentiel de ce que serait la mission de Jésus. Nous pouvons en retirer beaucoup de
leçons. D’abord, celle qu’aucun
prophète, si authentique soit-il, ne peut prétendre à posséder toute la vérité ;
aucun ne peut prétendre qu’on le suive aveuglément. En ce qui nous concerne personnellement,
chacun de nous, si sûrs que nous soyons de notre foi et peut-être de nos
expériences spirituelles ou même mystiques, si authentiques qu’elles puissent
être, il y aura toujours des pans entiers de la Vérité qui nous échapperont tant
que nous serons encore en cette vie. Il nous faut avoir, comme Jean-Baptiste, le
courage de « douter » et d’interroger Jésus.
Marie
:
L’autre
grand témoin que nous présente la liturgie de l’Avent, c’est évidemment Marie.
Elle apparaît dans l’Évangile comme un modèle d’ouverture.
Elle
est toute réceptivité – C’est d’ailleurs ce que signifie son « Immaculée
Conception ». Le péché c’est le refus de la vie, de la croissance. Marie est
totalement ouverte à la vie. C’est pourquoi elle peut recevoir en elle Dieu
lui-même et engendrer à la vie humaine le propre Fils de Dieu.
Autres
témoins :
Beaucoup d’autres témoins de l’ouverture à
l’Esprit, de l’Attente de la venue de Dieu, nous accompagneront durant
l’Avent. Je ne puis, pour le moment,
que les mentionner : C’est d’abord
Joseph, évidemment. Puis ce sont Zacharie et Elizabeth.
Conclusion.
Tous ces témoins nous présentent la même
« utopie » : Un idéal et un but que nous ne pouvons atteindre que par une seule
voie, celle de la conversion. Et c’est
ce que l’Esprit du désert, parlant par la bouche de Jean, exigeait de
tous. La conversion radicale que les
Pharisiens et les Sadducéens n’étaient pas capables de réaliser, nous ne le
pouvons pas plus qu’eux. Nous avons
besoin pour cela du baptême de feu : c’est-à-dire de l’action de l’Esprit, du
vent brûlant du désert, consumant toutes les impuretés et les souillures de nos
vies et de nos cœurs.
Fr Marie-Robert (Scourmont)
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